Archives pour la catégorie Textes divers…

A contresens, chanson politique…

portrait soluto croquis crayon
Huile sur toile, 40 cm x 40 cm, 2015

 

Héros par erreur
Conflits d’atterrés
Chemin pour chômeurs
Défi défilé
Là-bas la rumeur
Délit d’asphyxiés
Chante à contrecœur
La peur contrariée
Fini les copains
Fini la concorde
Papier Salopin
La rue les absorbe
Grimaces et menaces
Vies qu’on cadenasse
Terminé monnaie
Crédits écrêtés

Indélicat boss
Patron pas très net
Mielleux jusqu’à l’os
Sourire à fossettes
Attention tensions
Piégées les promesses
Cachée l’intention
Truquée la caresse
Soignée la vitrine
Passée vaseline
Bagout blagounettes
A la moulinette
Lancées tentacules
Puissance et calculs

Ici on s’enlise
La faute à la crise
Joie des actionnaires
Ça délocalise
Sans en avoir l’air
Pointer l’incapable
Pendre les coupables
Médias syndicats
Mafieux caïdat
Stimuler la peur
Echauffer la masse
Exciter la casse
Bouillent les rancœurs
Pilleurs torpilleurs
Des voix pour la haine
Prime à la gangrène

Les indemnisés
Tous idem niqués
Quoique l’on raconte
Sont laissés-pour-compte
La gueule à l’envers
Et les bras ballants
Perdent leur sale air
Et leur bel élan
Reprendre à l’enfance
Le droit à l’errance
Renier les cadences
Entrer dans la danse
De la décroissance
De la décadence
Désobéissance
Vivre à contresens

Soluto                          Le 28 novembre 2013

 

Les carnets molestés…

portrait soluto croquis crayonStylo sur bloc, mise en couleur numérique, 2015

Toujours les mêmes bons conseils, plein de bienpensantes intentions, de reproches déguisés, de préjugés… Chacun est sûr de son jugement, moi je ne sais jamais rien… Je joue les fanfarons, les insaisissables, je consigne à peine… Aujourd’hui j’ai recueilli de sombres confidences. Histoire d’un drôle de viol… Celle-là, treize ans, ne voulait pas mais voulait bien quand même ! Il la tenait mais elle était sur lui. On la croyait à la danse, elle était dans un appartement au milieu d’un enfer ordinaire. Elle dit qu’on ne l’a pas violée puisqu’il l’a raccompagnée à l’arrêt de bus. Il l’a raccompagnée pour en finir : « tu comprends, avec la réputation que t’as ! » Faut reconnaître, me dit-elle en douce, que je tombe facilement amoureuse. Pour montrer ses sentiments elle se photographie les seins. Les garçons rigolent, surveillent sa croissance. Au collège il y a une collection de ses roberts dans tous les Smartphones d’adolescent que le travail pubertaire énerve… Je l’ai écoutée. Elle s’est mise à pleurer. Ça m’a mis dedans ! Trois quart d’heure de retard… Heureusement Caudèle est bonne pâte. Il m’a attendu sans broncher dans la salle d’attente. Pfff Caudèle… Quoi de neuf ? lui demandé-je… Que du huit me répond-il… Puis il enchaine : mon père a recommencé à se bourrer la gueule, ma mère s’est recassée, avec ma sœur on s’enferme jusqu’à ce qu’il s’endorme. Il a pété tous les volets, toutes les fenêtres… Sinon ça va, j’ai un appareil pour moins pisser au lit… Il me parle un peu de ses scores à GTA. Il explose tout ! Bon, bon, bon…

(Extrait d’un de mes carnet. Août 2009)

Le métier de femme…

portrait  nu soluto huile peinture

Huile sur toile, 2015, 40 cm x 30 cm

« Ce n’est pas le métier de belle femme qui est difficile, c’est celui de femme, tout simplement » disiez-vous… La beauté de certaines femmes se dresse toujours entre elles et nous. Elle est une promesse doublée d’un mensonge. Mais sans doute adore-t-on qu’on nous mente : la cruauté des oscillations du désir est si douloureuse. Avec la belle on croit tenir quelque chose. Pourtant rien ne dure et tout s’épuise dans la possession. La splendide dont nous raffolons aujourd’hui nous agacera demain. Bientôt nous nous chipoterons.
Reflets croisés dans les miroirs brisés, on aime qu’on croie qu’on nous abuse. Le mâle est la dupe consentante de l’accouplement. La fable de la belette et du barbon n’a pas de morale. Toujours elle le ruinera, toujours elle le vaincra, toujours il croira avoir vécu.
Reste, une fois qu’on a enjambé la beauté, la femme toute nue. Dépouillée de ses appâts, malmenée par le quotidien, sous-payée par rapport à son équivalent masculin, tracassée par ses enfants, souvent dévaluée par son Jules ou son mari, quand ce n’est pas par les deux à la fois, elle n’est pas à la noce. Au fil des années sa peau se ramifie dans une nasse de rides, sa silhouette se floute dans sa chair épaissie et ses os poreux menacent de se rompre. Benoitement elle s’éloigne du champ du désir. Demain elle sortira des champs de vision. Les plus chanceuses auront tissé quelques liens d’attachement de-ci, de-là, et vieilliront à bas bruit. Les autres n’en finiront pas de mourir en perdant une à une leurs dents et leurs illusions. Toutes regarderont sécher leurs regrets sur le fil ténu de leurs vies rétrécies.
Je ne vois rien de plus difficile que sa triste condition, sinon celle de l’homme, condamné éternellement à supporter ses rebuffades, ses jérémiades, ses échauffements et ses sollicitations multiples à participer aux tâches d’un quotidien dépourvu de noblesse. Ah Rimbaud… Rimbaud… « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée. »
Parfois, de toute ma condescendance, j’ai des pensées pour ceux qui se sont vautrés une vie toute entière dans la laideur, qui l’ont bue jusqu’à la lie ou qui s’y sont noyés, et qui n’ont pas trouvé les mots pour la tailler en pièces.
La femme n’existe pas (Lacan), l’homme n’existe pas plus (Bernard, un voisin), seule la pelote de barbelé qui les entortille affirme sa réalité.
Faut-il aimer souffrir pour en jouir si exquisément.

Rogatons…

Ça nibarde, chatte et saigne, certains mauvais quarts d’heure, sur mes sténo-blocs. Cause au Samsung qui grelotte aux moments inopportuns, aux discussions languissantes, aux convocations torves. Sale temps pour la feuille qui traîne, soumise, vierge, offerte aux souillures, couchée sur sa semelle de carton gris, prisonnière de son ressort… La bille roule, la mine chuinte. Les mignonnes farfouillent, creusent, s’épuisent à la recherche des filons répugnants. Elles en trouvent de sévères.
Et tandis que ça débagoule, la main libérée s’amuse, batifole, s’excite toute seule sur des rondeurs, des mollesses, des raideurs. Ici je coupe un chien en deux, lui brise les reins, le tords pattes au ciel. Là, je tranche des doigts poilus. Passent des gerbes d’enfants nus, poignets cassés, sous le regard de femmes idiotes. La conversation s’éternise. Je me complais à arrondir chacun des grains de leurs mamelles qui dégoulinent jusqu’aux genoux.
Les causeurs, les cafouilleux du potin, peuvent bien faire des détours par les satellites et revenir me farcir les anses de leurs histoires. M’en raconter de grinçantes et de sucrées…
Je ne les écoute pas plus que je ne me vois dessiner.
Car il n’est pas d’absence qui me soit plus douce.

 

portrait soluto huile peintureBic sur papier  2015

 

portrait soluto huile peinture
Crayon sur papier  2015

 

Croyez-vous vraiment que nous ayons soif d’éternité ?…

portrait soluto crayon croquis aquarelle cadavreCrayon, encre de chine et aquarelle sur papier. 15 cm x 20 cm,  2015

Croyez-vous vraiment que nous ayons soif d’éternité ? Qu’en ferions-nous ? Je crois au contraire que nous aspirons profondément à la mort, qu’elle nous travaille en profondeur, qu’il nous tarde même, à l’occasion de voir nos servitudes s’achever. Nous ne ratons jamais une belle occasion de nous pleurer par avance. Nous aimons la nostalgie, la mélancolie ne nous déplait pas. Bien sûr nous nous en défendons mais voyez notre goût pour la guerre, la médisance, le mensonge, regardez notre besoin de corrompre, d’anéantir notre prochain. On boit, on fume, on conduit vite, on se maltraite, on se précipite dans les plus pénibles aventures. Nos conduites sont ordaliques. Les plus faibles cèdent à leurs penchants, les autres luttent contre eux-mêmes et perdent toujours. Les progrès de la guerre sont plus foudroyants (au propre et au figuré) que ceux de la médecine. Il faut beaucoup de ruse pour survivre. On doit inventer des lois, s’éprendre de la beauté et distribuer ou recueillir la semence bon gré, mal gré afin de se prolonger dans une progéniture qui n’échappera pas à son lot de souffrances. Nous donnons la mort plus sûrement que nous donnons la vie. La première est toujours certaine, la seconde peine à prendre. Laisser quelques traces, quelques phrases, quelques mots bien troussés, des dessins, des photos, c’est témoigner de notre vanité… Et peut-être rien de plus… C’est encore jeter des bûches au feu pour alimenter le grand brasier qui nous anéantira tous.

Réponse au commentaire de Flora à propos du billet précédent…

Un éclair… puis la nuit !

portrait soluto dessin portraitLavis d’encre de chine sur une feuille Canson 21 cm x 29,7 cm. Août 2015

De l’âpre râpe, qui nous occupait tant, il fût à peine question…
J’arrivai mal lavé de mes rancœurs, fâché d’être où je n’aurais pas cru, portant mon arriéré et mes désirs déboités. Les ajustements à coups de marteau brûlent du désir de plaire : que de poses, d’effets, de pauses et de faux plats.
Sur le grand pont de bois le temps était aux jus de fruits. Nous avons bu du vin, de la bière. Ses oreilles, qu’une aile de papillon éventait à l’italienne, chauffaient comme des quartiers d’oranges sanguines. La mer d’acier brossé était affreusement plate et l’ombre bleue des parasols nous évitait. Nous cheminions, à demi-éblouis, au bord du flou, à la myope. Le vers m’était venu en la voyant apparaitre. Je devais le couver depuis longtemps.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse.
La lumière transperçait son corsage. Elle était magnifique, plus en traits qu’en volumes.
Je rêvais donc aussitôt de grand deuil.
Comme il fallait sourire nous devînmes sérieux. Je pris la mouche pour m’envoler un peu. Je n’allais pas bien loin : l’art de la conversation ne se maitrise qu’avec indifférence. Ah, si l’on pouvait s’éloigner de soi. Le moindre égard corrompt tout, bride l’irrévérence, leste les élans. Badiner suppose qu’on cultive la part de mépris due à chacun. Nous n’étions pas à la hauteur et je m’en accusais.
La conversation savonnait. Je lui pardonnais tout par facilité. Pour ne pas paraître cuistre, à propos de verres à pied, je me retins d’évoquer Deleuze. Plus tard je pensais aussi à l’amie Nane de Toulet.
A la fin de notre entretien je la raccompagnai jusqu’à son canot. Son grand cou supportait un sourire composé. Mon pas était égal au sien, mon souffle peut-être aussi. Elle marchait droit. Agile et noble, avec sa jambe de statue.
J’étais triste d’être déçu, de n’avoir pas su nous bouger d’un iota, de ne pas l’avoir reconnue. Qu’espérais-je ? Voulais-je vraiment boire, crispé comme un extravagant, la douceur qui fascine et le plaisir qui tue ?
Nous n’avons rien tissé, rien retenu. Nous avons tricoté lâche et tout a filé.
Je n’ai pas vu germer l’ouragan.

Eurydice…

animation eurydice soluto crayons dessin

Une femme rare, perdue de vue, lointaine, presque hautaine, promenait sa longue silhouette dans un mauvais lieu où l’art contemporain le plus vaniteux plastronnait sur les murs. Je l’attrapais d’un reproche. Nous devisâmes dans les nuées. Taquin je la contrariai, mutine elle me donna la réplique avec une élégance et un à-propos réjouissants.
Nous nous écrivîmes. Elle m’envoya des mails au-delà de ce qu’elle voulait dire. Je m’appliquais à lui répondre en deçà de mes désirs, pour ne pas l’effrayer mais l’inquiéter tout de même. Souvent elle me répondait en chinois comme si je pouvais l’entendre. J’écoutai mieux. Je me trompais : elle parlait en patois psychanalytique. Je pensais aux « Five Easy Pieces » de Rafelson. Entre deux lacaneries je glissais Tristan Corbière, Verlaine, Toulet, Aragon. Je disais Vélasquez, elle me répondait Fra Angelico. Un peu de visible, beaucoup d’invisible, le souci de l’effacement et nous faillîmes Merleau-Pontifier.
Le flou, le masque, le double, le regard qui ment, celui qui tue, l’identité comme un grand évidement, comme un grand évitement, son plaisir quand je joue, sa désolation quand je triche (« Ouille ! Souffle-t-elle, tu n’entends mes paroles qu’à contre-sens »), son impeccable distance, tout ce tissage et toutes ces mailles à part pour ne parler que de nous me la rendent précieuse.
Enthousiasme du ravissement : l’été et l’absence nous donnent un lustre. Noli me tangere.
Hélas l’esprit éclairé, parfois, baisse un peu l’abat-jour.
Comme Orphée il oublie les avertissements.

Trois autoportraits, Soluto…

La plupart du temps on ne se peint, ni ne se dessine, par narcissisme. On ne s’emploie que par commodité : de tous les modèles on est le plus docile, le plus disponible, le moins coûteux et le plus exigeant.
J’ai réalisé ces trois autoportraits ces derniers jours. J’avais pour documents une série de selfies pris hâtivement à l’hôpital, où je séjourne trop souvent ces temps-ci. Images grises, écrasées, prises au lit ou au fauteuil, dans lesquelles je tentais de scruter, entre deux visites d’infirmières, mon humeur et ma déconvenue à passer si souvent entre les mains des chirurgiens.
A partir de tous ces clichés j’avais le vague projet de peindre une huile.
Hélas ma mobilité entravée ne me permet pas d’aller à l’atelier. Pour me distraire de ma frustration je me suis rabattu sur ces images préparatoires. Je me suis exécuté au lavis d’encre de chine sur un papier luxueux, grainé, légèrement absorbant. Je me suis bien des fois déposé sur des supports moins nobles…
C’est un plaisir douteux que d’interroger avec tant d’insistance son regard, de vouloir rendre une peau qui se creuse et s’affaisse, des jouent qui piquent et qui râpent, de déboucher des ombres pour se fouiller, de se griser à plaisir pour mieux s’éclairer, de s’approcher de soi avec tant d’obstination.
Mais quand rien ne va on a les délectations qu’on peut…

autoportrait portrait soluto lavis encre de chineEncre de Chine, 30 cm x 15 cm, mars 2015

(cliquer sur les images pour les agrandir)

autoportrait portrait soluto lavis encre de chine

Encre de Chine, 8 cm x 15 cm, mars 2015

autoportrait portrait soluto lavis encre de chine

Encre de Chine, 8 cm x 15 cm, mars 2015

autoportrait portrait soluto lavis encre de chine

Encre de Chine, 8 cm x 15 cm, mars 2015

autoportrait portrait soluto lavis encre de chine

Je me souviens de Muriel…

nu soluto lavis glaces sans tain

Encre de chine, 21 cm x 29,7 cm 2015

Charmantes et naïves elles font d’une giclée le bigbang d’un nouveau monde. Et parce que leurs miches tardent à refroidir elles se bercent dans la lumières d’étoiles mortes depuis longtemps.
Les plus belles histoires, pourtant, s’achèvent dans un claquement de portière et doivent avoir un goût de regrets. A quoi bon remettre les couverts, singer les jolis cœurs, minauder pour ne pas déchoir, s’engluer de mots doux, partager le plumard et le rata à la bonne franquette si c’est pour finir de toute façon par lasser et décevoir ? Autant prendre les devants… Etre ferme dès la première relance. Dans l’art du cul le difficile est de savoir conclure.
Il faut souvent le courage du héros.

Extrait de Glaces sans tain  (clic) paru en 2013

 

Oh non pas ce soir…

portrait soluto huile peintureHuile sur toile – 2015 – 46 cm x 33 cm

 

A fleur de toile, retranchée dans la trame, surprise, les doigts aux lèvres
Les cheveux roux brulés, l’orange aux joues, le regard violet
Appuyée sur les coudes, presque nue, le couvre-lit chenille sur les cuisses

Elle a froid, toute sa peau fraîchit.
Elle aime l’odeur de la térébenthine, grignote mes cerneaux de noix
Mastique avec application mes abricots secs et raconte l’art de barboter

A la barbe des vigiles fards, poudre et rouges à lèvres.
Elle et moi partageons le goût de la couleur.
Elle se propose d’aller pour moi voler des pinceaux.

Mais pas ce soir : à 18h30 elle a un baby-sitting.