Archives pour la catégorie Textes divers…

Tentative pour une Marlène…

Tentative pour une Marlène…
Le front taurin, la pommette haute, le nez fort, l’œil qui pétille comme un soda Lidl, le retroussis de la bouche, les épaules rondes, le buste spacieux, le ventre volé à Renoir, des hanches qui réveillent des envies de pétrissage et les jambes modelées par Maillol : tout est beau et bon à inventer, à dessiner dans cette égalisatrice entêtée des droits des hommes et des femmes. Tout est prétexte à chanter la rencontre du papier à grain et de la mine.
Que n’avons-nous pu la croquer sur le vif.
Plaignez celui qui n’aime pas ce qu’il désire.

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Bouge de là…

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Pages de cahier à dessins, remplies depuis les sables mouvants qui entourent mes écrans et dans lesquels je m’enfonce inexorablement en m’abreuvant de stupidités et de thé tiède.

« Mais bouge de là ! » me dis-je, me répété-je, me supplié-je…

Rien à faire… Ferais mieux de ranger l’atelier, de terminer ce bouquin d’Albert Paraz Le gala des vaches, de travailler mes fins de parties ou d’aller roder sur le bitume ma nouvelle paire de Chukka Maple Grove…

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L’art est forme de retraite…

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 De quelques manifestants…

La « gauche » manque terriblement d’ambition et l’extrême-gauche, depuis qu’elle a renoncé à la révolution, a perdu le sens de la fête… Déjà, 60 balais, c’est trop. On veut la retraite à 55 ans, la semaine de 4 jours (28 heures) et 8 semaines de congés payés.

Plutôt que de s’abrutir au travail on pourrait se mettre à réfléchir, à se cultiver vraiment, à bloquer le manège imbécile qui tourne de plus en plus vite, de plus en plus longtemps. 

Vive l’entropie !

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 Encre de chine, 21 cm x 29,7 cm, février 2023

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 Encre de chine, 21 cm x 29,7 cm, février 2023

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 Encre de chine, 21 cm x 29,7 cm, février 2023

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 Encre de chine, 21 cm x 29,7 cm, février 2023

Ailleurs je perds mon temps…

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Huile sur toile 24 cm x 30 cm

Quand je comprends qu’il est bien tard, que les années qu’il me reste n’en finiront plus de se jeter sur moi pour mieux m’éviter, que je sens les regrets sédimenter au fond de mon cœur, je ne suis bien que là, arrimé à ma chaise, sur mon tapis de bambou, à distance de mon chevalet d’un demi bras.
Cinq litres de white spirit en bidon sous la main gauche, mes couleurs dans leurs bacs sous la droite, l’essence et l’huile dans leurs godets, les pinceaux en bouquet dans leurs pots, le front sous la lampe et ma palette chargée sur mes genoux j’attends.
Je me débarrasse du monde comme il se débarrasse de moi.
C’est un processus, pas même une fiction.
L’impensé, à coups de lignes et de masses, s’ordonne, trouve sa cohérence, se dévoile. C’est un mouvement inquiet qui cherche son apaisement par un saisissement. Je ne veux rien sinon glisser hors de moi, guidé confusément par la vibration des couleurs, par l’ivresse d’un geste délié, d’un trait retenu. Je suis dans la pâte que j’écrase sur la trame de la toile, dans la soie du pinceau, dans la main qui porte mon désir, dans l’image qui émerge.
Je me plais là, infiniment paisible, en retrait des pensées, à camper à l’abri des mots, baigné dans la sensation intense d’être au bon endroit, au bon moment.
Ailleurs je perds mon temps.

Voeux 2023 (qui ressemblent étrangement à ceux de 2017…)

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Mes bons amis,

Cette année 2023 ne sera ni pire, ni meilleure que les précédentes.

Elle charriera son lot de malheurs et de joies mesquines. Nous frémirons de plaisir un jour pour mieux nous morfondre le lendemain. Les circonstances nous bringuebaleront, nous nous convaincrons d’être responsable de nos réussites, tous nos échecs seront la faute à pas de chance, à l’adversité, aux cons qui ne manquent pas et surtout à la réalité qui ne se conforme jamais de bonne grâce à nos désirs.

Des volcans vont péter, des tsunamis vont engloutir, des maladies vont décimer, des petits enfants en Afrique continueront d’être échangés contre du bétail pour aller travailler dans des mines.

Chez nous, sachons nous recentrer, les chauffeurs d’opinions, pour tromper leur ennui, attiseront des rancœurs. Ils débusqueront des scandales et exciteront les bas instincts des naïfs qui pensent de traviole. Le tweet meurtrier et le post définitif n’ont pas fini de sévir. La langue vipérine sera maniée, parfois avec talent, pour que nous avalions mieux les couleuvres.

Les meutes y trouveront leur content. Elles se griseront au bashing, à la louange imbécile. Grondements et jubilations seront garantis derrière les écrans. La vérité sera validée par l’audimat et la raison du plus fort se comptera en millions de vues sur YouTube.

Des oiseaux de mauvais augure passeront tout au hachoir de la désespérance et des ravis de la crèche sèmeront de l’espoir en confetti à pleines poignées. On gobera des foutaises. On s’en remettra toujours, à coups d’illusions, de drogues, de coups tirés, d’excès de travail ou de flemme, de carte bleue…

Parfois nous nous apercevrons dans les miroirs. Nous penserons à nos amours, à nos morts, à nos enfants et, sans trop y croire, aux jours où nous ne serons plus.

Les vœux 2023, à part faire coucou aux poteaux, n’ont aucun intérêt.

Plutôt que de vous laisser malmener par les circonstances, ou berner par la propagande, prenez plutôt de bonnes résolutions : promettez-vous de venir sur mon fil, mon blog, mon site, mes pages.

Au moins pourrez-vous vous y régénérer l’œil avec de la peinture fraîche et des dessins diversement troussés !

La bise aux filles, à tout bientôt, donc…


Houellebecq ? Où est le bec ? disent-ils…

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Ça se passe dans une volière, sous des sunlights, les coudes sur le comptoir. Le rêve mauve, épais, avec des grumeaux. Un enchainement d’absurdités sur un air de raison, la descente tout schuss des pistes verglacées du paralogique.

Ça caquette, ça croasse, ça pousse des cris d’Onfray. De drôles d’oiseaux, vraiment, tous bien obsédés. Des rengaines marmonnées, des scies de pisse-vinaigres. C’est la parade des ailes rabougries, des yeux morts, de la griffe ébréchée, de la gamberge bancroche et acidifiée. Ils volent bas, dans les décharges de la pensée, et pérorent avec les rats.

Certains se sont perdus, j’en entends qui disent : « Où est le bec ? Où est le bec ? »

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crayon hb
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crayon 3b
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Crayon 3b + 6b
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Crayon 6b

Ado je n’aimais pas Choron…

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21 cm cm x 29,7 cm. Octobre 2022.

Ado je n’aimais pas Choron.
Je ne voyais pas ce qu’on lui trouvait.
Hâbleur, brutal, l’invective floue et confuse, toujours bourré quand on l’apercevait à la télé et trop centré sur sa bite qu’il dégainait, disait-il, au bout de la troisième coupe… Vraiment, quel drôle de zig.
L’engagé volontaire en Indochine, tondu, aux polos mous et au fume-Pall-Mall avait une silhouette mais je ne lui reconnaissais pas de talents. Ses fiches bricolages ne m’amusaient pas vraiment, ses rares billets non plus. Je voulais bien croire qu’il fût un animateur de bouclage enthousiasmant, un meneur d’hommes (un adjudant, quoi) déterminé, un remonte-pente galvanisant mais je m’en fichais bien. De là où j’en étais, avec mes convictions antimilitaristes, ma vue basse et les préjugés sourdement staliniens instillés par quelques professeurs confortablement blottis dans les plis d’un mammouth laineux pas encore dégraissé il m’avait tout l’air de l’oncle alcoolique et pugnace qui a le vin mauvais. A contourner. Je sautais la page.
Il n’aimait pas les adolescents et le leur faisait savoir. Son peu d’efforts pour être aimable, une vertu à mes yeux maintenant, me consternait à l’époque. Nous avions tout pour nous déplaire.

Des décennies ont passé, je n’ai plus besoin qu’on me séduise et j’entends mieux, dans la cacophonie des provocations, ce qui relève du noyau dur d’un individu.
Dans une interview on l’entend se défendre vivement de la prétendue tendresse dont veut le barbouiller l’animateur :
« Je refuse tous ces termes de tendresse et d’amitié, et d’amour, et toutes ces conneries-là qu’on veut vous accrocher comme des casseroles ! » Avant que l’autre ne reprenne son souffle il ajoute, laconique : « Je suis un vivant : j’aime ce qui est bon, boire, baiser et c’est pas mal déjà ». Sourire malicieux.
L’entretien roule.
A propos des hommes politiques il dit : « Tous les humains sont des salauds, et y en a jamais un qui dit qu’avec tous ces défauts-là, l’ambition, l’avarice, la jalousie, il faut faire une société »
L’interrogatoire se précise. On veut savoir de quel côté penche le malotru. Réponse : « La gauche est chrétienne, elle a deux mille années de crasse dans la tête. C’est la solidarité, le bonheur, des conneries comme ça qu’existent pas… » quant à « La droite c’est la morale, c’est Hara-Kiri et Choron qu’on brûle sur un tas de fagots comme Jeanne D’arc » Il conclut en ricanant : « Ta vie tu te démerdes et tu te la mènes dans n’importe quel régime, et pis c’est tout… »
Ces quelques phrases attrapées au vol, si bien incarnées, ne révèlent sûrement pas un penseur profond mais elles m’ont immédiatement réconcilié avec ce filou à qui je n’aurais pas confié ma nièce pour la soirée.
Savoir que le pire est probable, que ce n’est pas grave pour autant, que rien n’est sérieux et qu’on peut mourir par paresse sont des assertions roboratives qu’on s’emploie à refouler tant la vie, souvent, est ennuyeuse.
Rien de neuf sous le soleil, donc, mais Choron et ses beaux journaux avaient trouvé une façon inédite de le dire.

Michel Quevauvillers (7 mai 1932 – 29 septembre 2022)

J’ai lu ce texte aujourd’hui 5 octobre 2022 à l’église Saint Martin de la ville d’Oissel devant son cercueil.

Michel, mon cher papa,

Tu t’es éteint à l’hôpital des Feugrais d’Elbeuf au petit matin du 29 septembre 2022, le jour même de la Saint Michel. C’est une pneumopathie qui t’a emporté. Si l’archange a pu terrasser le dragon et le précipiter dans l’abîme toi tu as été vaincu par une fausse route aux conséquences fatales. La mort est basse et médiocre.

Tu es né en 1932 dans un petit village de l’Oise appelé Formerie. Ton père ne t’a pas reconnu avant ta cinquième année et c’est ta grand-mère maternelle, accoucheuse de son métier, qui t’a élevé après t’avoir protégé de ceux qui ne voulaient pas de toi. Cette période, je le crois, a été assez heureuse. Tu évoquais avec reconnaissance et douceur cette grand-mère Hérelle pour laquelle j’ai aujourd’hui une tendre pensée.

De pensionnat en contrats d’apprentissage, dans cette période de guerre et d’après-guerre, tu as appris à avancer plus ou moins seul. Tu as aussi appris à prendre la vie comme elle venait, sans faux espoirs ni ambitions démesurées. C’était une de tes forces.

C’est au retour de tes dix-huit mois de service militaire en Allemagne que tu as rencontré Jojo et que vous vous êtes mariés. Je sais que cette union a été heureuse et qu’elle t’a comblé au-delà de toute espérance. Hélas, rapidement, tu as été rappelé sous les drapeaux à cause de la guerre d’Algérie. Cet épisode militaire, pour douloureux qu’il fût, n’a pas entamé votre élan. De cette union, en 1961, je suis né.

Je garderai de toi le souvenir d’un père doux, disponible, conciliant. Tu as toujours été, malgré quelques éclats de voix bien rares, un papa attentif et solide, sur lequel j’ai pu compter.

J’ai des milliers de souvenirs d’enfance. Comme par exemple celui des départs en vacances où, l’Amie 8 break chargée à ras bord, tu nous emmenais dès l’aube, ma mère, mes grands-parents maternels et moi-même, dans quelque coin de Bretagne ou du Cantal où vous aviez réservé pour le mois de juillet entier une « location » de vacances.

Je garde aussi dans mon cœur certains dimanches d’hiver où tu sortais tes tubes de couleur pour te lancer dans des toiles qui émerveillaient mon regard d’enfant. Il y avait chez nous beaucoup de livres de peinture et des romans de toutes sortes. Tu as semé en moi, sans que je m’en rende compte, le goût des mots et des images.

Tu avais la curiosité des autodidactes qui savent tant de choses qu’on se demande toujours quand et où ils les ont apprises. Ta mémoire était impressionnante. Tu nous bluffais souvent. Ton humeur, toujours égale, tempérait tout et tu souriais souvent sous ta moustache.

Il y a peu encore tu dessinais et tu jouais de la mandoline.

Votre convivialité, avec Jojo, vous rendait agréable à tous. Votre vie sociale était riche et animée. Je me souviens de la chaleur des soirs et des dimanches quand vous receviez des amis, de la famille. Comme on riait, comme on plaisantait, et comme on chantait.

Ma femme, Caroline, et mes enfants, Lou et Gabin, ont aussi beaucoup contribué à votre bonheur. Ils étaient votre fierté comme ils sont la mienne. Vous leur avez offert des semaines formidables à Oissel et des étés inoubliables à Monfort l’Amaury. Vous avez été des grands-parents aimants et très joyeux.

Il y a quelques années tu m’as dit avec un humour pince-sans-rire, qu’il valait mieux mourir « trop vert que trop sec ». Tu redoutais la dégradation intellectuelle. Rassure-toi : jusqu’au bout, malgré la lassitude qui te gagnait, tu as su garder un esprit vif et présent.

Tu vas rejoindre ta Jojo. Tu attendais ce moment. Tout à l’heure, au cimetière, on jouera pour vous deux un de ces airs d’accordéon qui vous enchantaient. Ce sera une valse musette comme vous les aimiez tant. Je l’ai choisie simple, entraînante et mélancolique. C’était un tel bonheur de vous voir tourbillonner souplement sur les pistes de danse…

Oui, j’ai eu un gentil papa, de gentils parents, simples et aimants, et j’espère n’avoir pas trop démérité.

Mes chers parents, vous me manquerez terriblement.

Je vous porte pour toujours.

 

Personnage de dos, casquette, chemisette, méthode illustrée par six dessins…

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Cette page mesure 15 cm x 21 cm, elle a été scannée toutes les 6 à 8 minutes à peu près.

 

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Premier dessin

 Pour croquer le badaud qui passe il te faudra d’abord l’attraper au lasso.

Ton geste sera sûr et convaincu. Quoique résolu il restera aventureux, ouvert aux hasards des boucles imprécises. Ton mouvement devra être souple, mouvant, circulaire comme le vol d’un oiseau de proie. Il planera avant de fondre sur un papier modeste, texturé et solide.

Quand enfin ta main se posera tu noueras la silhouette de ton personnage d’un trait serpentin sans même lever ta mine.

Tu préféreras pour ce premier jet un crayon demi-sec, long et souple, biaisé d’avance. Ne dépense pas des fortunes : ceux qu’on trouve dans la trousse de l’écolier ne sont pas les pires. Généralement dotés d’un bon caractère ils prennent des initiatives heureuses. Mariés à la main adéquate ils font de belles trouvailles.

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Deuxième dessin

Ça y est ! Tu l’as chopé. La base est jetée. Ton dessin va pouvoir littéralement prendre forme.

Ne t’emballe pas mais sois content. Respire par le ventre en souriant. La transe se raffermit.

Tu entres dans ton dessin comme dans une eau tiède.

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Troisième dessin

Prends garde à ne pas figer trop vite ton esquisse. Pousse ton trait, oublie-toi, sois ton sujet. Place correctement la casquette, sens-la qui te serre la tête, équilibre les masses, veille à ne pas être trop propre.

Tu y vois plus clair ? Alors monte en gras. Le beau noir du 6B, parce qu’il est franc et profond, ne te mentira pas.

Si ta ligne est fausse il te le dira vite.

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 Quatrième dessin

Tu renforces la brioche pour qu’elle pèse, les épaules pour qu’elles plongent, le grimpant pour qu’il plisse. Tu n’imaginais pas qu’on puisse prendre autant de plaisir à rendre le drapé d’une chemisette, à modeler des ombres. Sois appliqué avec désinvolture. Affûte souvent tes crayons pour qu’ils soient précis, incisifs, piquants.

Si un trait te semble trop tranchant amortis-le d’un coup d’estompe.

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Cinquième dessin

 C’est le moment de tous les dangers.

Tu crois que c’est gagné. Tu n’as plus qu’à compléter, conforter, renforcer ce que tu as mis en place. Les volumes sont répartis harmonieusement, le croquis est à l’équilibre, l’ensemble plait à l’œil. Le dessin se lève du papier.

Tout va bien mais reste vigilant.

Comme dans la vie, on va vite à perdre sa légèreté, à boucher son œuvre, à l’opacifier, à l’alourdir, à devenir sentencieux et démonstratif.

Savoir lever sa mine est aussi difficile que de la poser bien.

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Sixième dessin

Sauvé. Tu n’as pas étouffé ton dessin. Sa fin, douce et bienheureuse, est proche.

Tu peux poser élégamment les derniers accents, préciser le jeu de mains, les cheveux rares, la poche arrière du pantalon. Ici ou là tu suggères une discrète couture. Tu complètes ton dessin comme on pose l’orthographe. Tu le voudrais irréprochable.

Avec une gomme mie-de-pain, modelée en corne douce, tu dégages les lumières, tu effaces avec précaution les lignes de construction.

Enfin tu signes.

 La suite ne t’appartient pas.

Précisions

 Certaines fois, surtout au début, tu auras de la chance.

Tu poseras la ligne essentielle du premier coup. Il ne sera pas nécessaire que tu y reviennes. Tu auras saisi l’allure de ton bonhomme au-delà de tes espérances et tu pourras déjà, plein de confiance, tendre tes lignes et affirmer ton crayonné.

Mais à mesure que tu voudras reconduire cette prouesse un doute s’installera, qui te fera trébucher. Il te faudra recourir à la gomme, multiplier les repentirs et gratter, frotter, biffer, insister.

Tu devras quelquefois arracher la page que tu auras trop fatiguée.

Ne mollis pas, persévère, trace, tisse, force. Emballe. Tu sauras que tu as réussi quand une joie volatile te soulèvera très provisoirement. C’est une récompense, tu sais, de voir son croquis respirer et soupirer d’aise.

Tu ne posséderas jamais ton métier mais si tu persévères tu réussiras.

Si malgré tous tes efforts tu rates, pose ton crayon et réfléchis.

L’œil et la main ne s’éduquent pas mieux que le jugement. Tu es peut-être un imbécile de la ligne, qui voit mal et qui trace de traviole.

Va gaspiller ton temps ailleurs.

Jardine, scrolle, médite, bitche.

Il y a tant de façons d’attendre la fin du film.

 Prix sur demande : soluto[at]free.fr