Archives pour la catégorie Crayons…

Quelques pages Blanche entre Noël et le jour de l’an…

C’est Cioran sur les planches, en robe bleue, puissante, fragile et désirable. Aujourd’hui tout le monde l’aime ; on lui reprochera demain sa lucidité. On ne lui pardonnera pas de serrer d’aussi près la condition de l’homme, de convoquer des rires irrépressibles en rappelant implacablement sa solitude et sa finitude. Les petits rigolos de service et les woki-comiques n’ont qu’à bien (mieux) se tenir. C’est de l’humour à coups de marteau et une certaine idée de la grande santé.
Avec elle rions aussi en attendant la mort.
Bonnes fêtes à tous.

Blanche Gardin, acrylique, acrylic, dos, peinture, lunettes, dessin, soluto, lavis, auteur, roman
Blanche Gardin
Crayon, 20 cm x 15 cm, Décembre 2021

 

Blanche Gardin, dessin, soluto, lavis, auteur, roman
Crayon, 20 cm x 15 cm, Décembre 2021

Portrait d’écrivain : Francis Ponge (1899-1988)…

Le parti pris des choses,la rage de l'expression, Francis Ponge, encre de chine, dessin, soluto, lavis, poesie
Crayons de couleur, 21 cm x 29,7 cm, août 2021

On doit aimer Francis Ponge d’un amour posé et précautionneux. Ses écrits sont d’une texture si fragile, quoique le tissage en soit très serré, que la précipitation nuirait à leur bonne lecture. Un empressé verrait de la reprise où il faut voir de la variation, de l’obsession, du mouvement et une traque farouche de l’illusion d’optique.
Ses sujets de prédilections sont les objets. Il écrit sur le motif. Par lui décrits on les croirait peints, ou sculptés, et leur matérialité en est augmentée – chose qu’on pensait impossible. On les goûte, on les touche, on les voit, on les sent. Leur singularité devient extrême.
C’est un poète engagé qui dédaigne les nues, la Femme, l’aube, le couchant et le sentiment, ces lieux communs du versificateur, pour leur préférer la sensation, le mot, sa forme et ses vertus d’outils.
Il aimait Braque, Fautrier mais aussi, inexplicablement, Émile Picq qui n’est pas un bon dessinateur.
Il n’est jamais drôle, comme souvent ceux qui sont passés par le surréalisme. D’ailleurs, s’il a admirablement cerné son sujet dans « Le Savon », force est de constater qu’il n’a pas réussi à coincer la bulle.

Je me souviens de Michel Tournier…

Magali Cazo, graphite, dessin, fusain, board, grey, body, soluto peintureCrayon bleu sur papier, 21 cm x 21 cm, juillet 2021

Je me souviens de Michel Tournier, de ses prestations à la télévision, de ses yeux rieurs, de son sérieux brutalement retrouvé, de ses enthousiasmes un tantinet exagérés. J’étais adolescent. Je n’ai sans doute rien compris, lors de ma première lecture, au sous-texte philosophique des Limbes du Pacifique. Et encore moins à celui du Roi des Aulnes. Je ne voyais que le romancier. Pourtant je sentais bien, malgré leur luxuriance, le caractère contraint de ses livres, sa volonté de démontrer en montrant, tout son labeur pour encastrer les images et les idées dans des blocs homogènes, bien cirés et sans écharde.

Mais il m’embarquait, me distrayait, m’inquiétait, m’instruisait avec science, avec style, avec souffle. J’aime qu’on instille le trouble et qu’on glisse avec à propos, c’est-à-dire sans affectation, des mots rares.

Avec Tournier, qui ne va pas tarder à gagner son purgatoire si ce n’est déjà fait, j’étais servi.