Une femme rare, perdue de vue, lointaine, presque hautaine, promenait sa longue silhouette dans un mauvais lieu où l’art contemporain le plus vaniteux plastronnait sur les murs. Je l’attrapais d’un reproche. Nous devisâmes dans les nuées. Taquin je la contrariai, mutine elle me donna la réplique avec une élégance et un à-propos réjouissants.
Nous nous écrivîmes. Elle m’envoya des mails au-delà de ce qu’elle voulait dire. Je m’appliquais à lui répondre en deçà de mes désirs, pour ne pas l’effrayer mais l’inquiéter tout de même. Souvent elle me répondait en chinois comme si je pouvais l’entendre. J’écoutai mieux. Je me trompais : elle parlait en patois psychanalytique. Je pensais aux « Five Easy Pieces » de Rafelson. Entre deux lacaneries je glissais Tristan Corbière, Verlaine, Toulet, Aragon. Je disais Vélasquez, elle me répondait Fra Angelico. Un peu de visible, beaucoup d’invisible, le souci de l’effacement et nous faillîmes Merleau-Pontifier.
Le flou, le masque, le double, le regard qui ment, celui qui tue, l’identité comme un grand évidement, comme un grand évitement, son plaisir quand je joue, sa désolation quand je triche (« Ouille ! Souffle-t-elle, tu n’entends mes paroles qu’à contre-sens »), son impeccable distance, tout ce tissage et toutes ces mailles à part pour ne parler que de nous me la rendent précieuse.
Enthousiasme du ravissement : l’été et l’absence nous donnent un lustre. Noli me tangere.
Hélas l’esprit éclairé, parfois, baisse un peu l’abat-jour.
Comme Orphée il oublie les avertissements.
Votre texte est excellent, jubilatoire. Pour le fond, j’aime à croire que c’est du vécu. Quant à la forme, quelques trouvailles m’emballent. Merleau-pontifier, c’est carrément du grand art !
Ne descendez pas aux enfers, tout de même, ce serait dommage…
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Merci Célestine… On mystifie, on mythifie, on sape élégamment nos désirs. Qu’importe le fond… Ici l’on n’aime que la forme, on frémit pour un mot, on se noie dans le miroir d’un frottement de graphite. Si je sens le roussi c’est que j’ai plaisir à traverser quelques cercles de feu. Je ne descends en enfer qu’en rappel… Bel été à vous…
Merci. L’été sera chaud, au fond et en forme…