J’ai surtout compris que je ne vous laisserais pas filer sans tenter d’échanger quelques mots avec vous. Je voulais connaître le son de votre voix…
Je suis un pleutre. Ma gorge se serre vite, je tremble souvent, parfois je crains que mes jambes ne se dérobent. Mais je sais aussi qu’il faut être courageux quand la situation l’exige, que les plats ne repassent pas, qu’on peut se dessécher à force de regrets. Avec l’énergie du timide acculé j’ai marché vers vous. Vous me tourniez le dos. Je cherchais une phrase à vous dire, mille compliments naissaient et mouraient de ridicule dans ma tête échauffée. A mesure que je me rapprochais de vous je perdais mes moyens. C’est dans ce contexte que ce fichu chariot m’a échappé, qu’il est venu vous heurter… Quel bel acte manqué. Pardonnez-moi encore… Pour ne pas vous perdre trop vite j’ai inventé n’importe quoi… Une tâche, une ombre, un trou dans votre manteau… Il a fallu que ce gros bonhomme infâme se mêle de notre histoire au moment où je retrouvais un soupçon d’aisance pour tout fiche en l’air ! Mais peut-être suis-je injuste… Peut-être même devrais-je le remercier. Sans lui je ne serais peut-être pas là à vous raconter ces histoires qui doivent vous faire bien rire…
— Je ne ris pas ! dit-elle plus vivement qu’elle ne le voulait.
J’ai fait celui qui n’avait pas entendu et j’ai continué. Je tenais bien mon public, il fallait en profiter.
— Voilà, vous savez tout. Enfin, presque tout… Le reste n’est pas dicible. C’est un mélange de joie et d’inquiétude. La joie d’être arrivé jusqu’à vous, d’avoir su vous confier ces quelques émotions avec lesquelles il va falloir maintenant que vous vous débrouilliez. Je ne me fais pas de soucis : les femmes savent très bien ranger tout ça sous leur mouchoir. Mais aussi d’inquiétude, donc… Car je vais prendre mon taxi, rentrer boire mon champagne seul et vous perdre pour toujours…
Extrait de Glaces sans tain Ed. Le Dilettante
Tous les renseignements sur mon livre sont ici: http://www.ledilettante.com/livre-9782842637675.htm
Très judicieusement choisi ce passage . Seuls les « initiés » ne seront pas dupes.
Non, ce n’est pas Belle du Seigneur !
Une vraie jubilation de lecture.
Et ce n’est pas Solal mais Soluto !
Très joli passage …
« Je voulais connaître le son de votre voix » Que voilà des mots qui me semblent familiers ! Mais ceci est une autre histoire.
Amitiés fidèles, ami Soluto !
Je me sens beaucoup d’affinité avec le personnage en haut à droite…
Et le texte est d’une beauté! vous écrivez aussi bien que ce que vous dessinez, si vous me permettez ce compliment.
Nuage, je suis d »accord avec vous, cette phrase est importante: le son de la voix est primordial pour se faire une idée plus juste de quelqu’un.
> Chère Célestine, merci de ces mots bienveillants. Je viens d’aller faire un (grand) tour sur votre blog et j’en aime la douceur et l’élan. Vos moussaillons ont de la chance… Le Louvre, c’est la haute mer! J’espère que la beauté classique en aura éclaboussé quelques-uns… A vous lire je ne doute pas que vous soyez la capitaine qu’il leur faut… Bien à vous…