Gil…

En fait, je l’ai appris tardivement, le vrai prénom de mon oncle c’était Gilbert… Gil, c’était son nom d’artiste. Il avait fait du cabaret dans les années cinquante, de la prestidigitation, du mentalisme. Un soir, trop chargé à la corydrane, il avait fait grimper sur scène une bonne bouille à qui il avait fauché la montre en or et le larfeuille en croco… Hélas, pris par je ne sais quelle inspiration, quand il les lui avait rendus sous les rires et les applaudissements, il avait empalmé définitivement tous les biftons qui garnissaient la bourse bien bombée du bonhomme. Se rendant compte de l’embrouille après la représentation (du papier journal bourrait son portefeuille) le gus était allé faire du foin dans le bureau du directeur du Perroquet Vert. Sommé de s’expliquer Gil n’avait pas voulu rendre la fraîche. Il  avait juré sur Azouth qu’il n’était pas responsable de ce vol, avait remis son gibus avec élégance et avait tourné les talons dédaigneusement… Mal lui en avait pris, l’autre ne goûtait pas le délestage en public.

Quelques jours plus tard, à l’angle de la rue Labat et de la rue Custine, deux teigneux lui étaient tombés sur le poil et lui avaient fait les ongles d’un peu trop près. En quelques coups de sécateur adroits ils lui avaient fait rouler ses plus belles phalanges dans le caniveau… La chirurgie n’étant pas ce qu’elle est devenue aujourd’hui, il n’était pas question de recoller les morceaux. Et puis, de toute façon, comment les auraient-ils ramassés ses pauvres doigts, ce malheureux Gil?

En tout cas, pour lui, c’était terminé la main baladeuse, la fourche et la pince dans le rond lumineux des projos et les applaudissements à tout rompre… C’était bête, il commençait à avoir son petit succès dans le close up. Il était même sur le point, parait-il, de passer dans une émission de l’ORTF. Ce n’était pas une mince promotion à cette époque-là…

Lui, comme dit mon père (excusez-le), on peut dire qu’il était passé à deux doigts de la gloire…

8 réflexions au sujet de « Gil… »

  1. Milène.

    L’histoire est fameuse et le verbe drôle (pourtant… pauvre Gil). Quant au portrait que vous faites de votre oncle dans son costume de cabaret, fier et élégant… il est parfait ! Petite nouvelle qui ira rejoindre un prochain ouvrage ? Si jamais amis blogueurs le Père Noël vous a loupé avec Vies à la ligne, faites-vous ce plaisir là… allez le chercher et vous verrez !

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  2. Soluto

    > Vous faites bien de vous laisser porter par la curiosité chère Françoise… Et je ne suis pas en reste car je suis vite allé sur vos pages… J’espère que nous nous croiserons dans nos allées et venues de blog à blog… En tout cas, vous êtes la bienvenue sur mes pages… Au plaisir… > Si ce n’est pas une merveille d’avoir des amis comme vous! Ah Milène, soyez prudente, on pourrait croire que je vous soudoie pour me faire un peu de publicité… (je me débrouille très bien tout seul, voyez plutôt: Amis bloguistes! Complétez votre visite sur ces pages par l’achat de Vies à la ligne, je n’y parle pas encore de Gil, mais vous saurez tout sur la mort de tata Poune —dont on a encore causé en famille à Noël…) Alors que non… Je vous sais absolument désintéressée… Votre fidélité à ces pages, vos clins d’oeil réguliers me sont chers… Tenez, on vient de passer une partie des fêtes, permettez que je vous embrasse! Revenez vite sur ce blog… Je vais poster bientôt quelques Rêveurs… J’ai cru comprendre que vous les aimiez bien aussi, mes bonshommes… > Hub? J’aime la poire William, mais j’ai rentré et rangé dans mon placard, derrière une Mirabelle et quelques liqueurs, un petit Calvados que je caresse du regard avec une tendresse que peu me connaissent… Un velours… Je ne vous dis que ça…

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  3. Pouchka

    Au premier abord, en voyant Gil vêtu d’un smoking, je me suis dit que c’était un clin d’œil à ces fêtes de fin d’année… et bien non … vous surprenez toujours , cette  histoire de ce prestidigitateur est bien triste … mais voilà ‘Bien mal acquis ne profite jamais ».
    Avec ces rêveurs l’année 2009 se termine en couleurs et je vous en remercie, que 2010 vous apporte encore beaucoup d’inspiration et de création, et une suite de Vies à la ligne … mais qui sait ce que vous nous préparez … merci encore

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  4. Milène.

    Ciel !… que vos fidèles lecteurs ne s’imaginent pas qu’il se passe des choses sous le manteau, voire sous la table (l’expression fut à l’origine employée pour parler des ouvrages interdits qui circulaient de façon secrète et illégale parmi la population, au XVIIème siècle), ! Non pas de passe-droit… juste que je suis admirative de votre travail et je le dis ! Comme les fêtes de fin d’année approchent, claquons-nous la bise !

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  5. flora

    Cher Soluto, je suis heureuse que Françoise (que j’admire, inconnue de longue date, miracle de la blogosphère!) m’ait suivie à votre découverte. Je goûte avec plaisir à la richesse de votre style savoureux.

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