Archives pour la catégorie Tronches, bouilles, faces, portraits…

Une fleur de malheur, bleue et drôle…

peinture huile le havre soluto

Ah ! monsieur, si vous saviez comme c’est lourd de penser. De la façon dont je vous vois vivre, vous ne devez pas souffrir de ce tourment, mais moi, monsieur, je vous le répète, je ne cesse jamais de faire fonctionner ma matière grise, même quand je vais au sanitaire. Vous ne pouvez pas imaginer. C’est un monde !

Les fleurs bleues    Raymond Queneau

Dessins billes en tête…

dessins stylo croquis solutoBoucle de dessins mythomanes, couleurs numériques
(plus grande si l’on clique sur l’image)

 

 

Creuse ton sillon ma bille dans ce papier pauvre
Roule et bosse ton rond, boule et rosse ta fibre
Dans ta tige ton gel patient poisse
Réservoir de créatures, de panoramas
Tes fils décollent, s’écoulent, défilent, s’étendent
J’y pince à sécher des récits militaires
Des aveuglements, des femmes mordues
Dépression dépeinte, des pressions, des pintes
Des éclats de pleurs, des bouquets de noisettes

Gifs hâtifs, j’y-va-t-y pas
Sténo bloc, stylo Bic et sous bock

(Au refrain)

Sa vie de débouleuse…

portrait soluto croquis crayonHuile sur toile. 30 x 40 cm. 2015

Et pendant qu’elle posait pour les photos, les croquis rapides, elle causait, me racontait sa vie de débouleuse.
Elle connaissait tous les bars du Havre, les changements de patrons, les profils de clientèles selon les heures de la nuit, les coins à footeux, les karaokés, les rades d’étudiants. Maintenant elle en avait sa claque des virées, des soirées caniveaux, des retours beurrées, « en taxis les bons jours, pédibus le plus souvent », des lendemains cramés jusqu’à midi. Elle était lasse des patins chargés et des tripotages, des pipes au latex dans les voitures garées en vrac sur les parkings sauvages près des boites de la rue des Magasins Généraux. « Les capotes c’est pas seulement pour les maladies, c’est aussi pour les odeurs… ». Même les grimpettes express à l’hôtel F1 de Gonfreville l’Orcher avaient perdu leur parfum d’aventure. Elles présentaient l’avantage, une fois le coup tiré, de pouvoir garder la chambre. C’était le bénéfice secondaire, la garantie de ronfler sur place, seule. « Parce que les mecs, une fois dégorgé, on les retient pas longtemps… »
Une nuit, dans le fameux hôtel, après l’avoir prise, un gars l’avait cogné sans raison. Juste un coup de poing, à froid. Il lui avait fendu l’arcade. Courte cicatrice en zigzag, le fond du sillon mauve. « Tiens, regarde-moi le boulot de l’interne de garde qui m’a salopée aux urgences ! » Elle avait eu la moitié de la tronche noire et jaune pendant quinze jours. La plainte n’avait rien donnée, pourtant le mec avait payé la piaule avec sa carte bleue, les flics auraient pu le retrouver facilement. Elle avait laissé tomber. « Un coup de poisse, on peut pas tirer des généralités ». Elle multipliait les efforts, essayait tous ceux qui ne la répugnaient pas dans l’espoir de lever le bon. « Un mec qui bosse, pas un feignant… » Elle avait tâté des sites de rencontres mais elle préférait le bruit, la musique, les ambiances moites. « Rien ne vaut le terrain, on est plus vite fixée… »
Elle voulait, comme les autres femmes, un homme à elle. Pour l’aimer, l’admirer, le montrer. Pour le taquiner aussi, le fâcher, le réformer et l’obliger à céder à ses petites envies. Dans son monde idéal elle rêvait de le nourrir, de le gâter, de lui offrir des cravates, d’acheter ses caleçons, de surveiller sa ligne et de vouloir son bien.
Sa vraie vie, sans une moitié à torturer amoureusement, tardait à décoller.
Et puis, surtout, à vingt-trois ans, elle prétendait qu’il était grand temps d’avoir un enfant.

A contresens, chanson politique…

portrait soluto croquis crayon
Huile sur toile, 40 cm x 40 cm, 2015

 

Héros par erreur
Conflits d’atterrés
Chemin pour chômeurs
Défi défilé
Là-bas la rumeur
Délit d’asphyxiés
Chante à contrecœur
La peur contrariée
Fini les copains
Fini la concorde
Papier Salopin
La rue les absorbe
Grimaces et menaces
Vies qu’on cadenasse
Terminé monnaie
Crédits écrêtés

Indélicat boss
Patron pas très net
Mielleux jusqu’à l’os
Sourire à fossettes
Attention tensions
Piégées les promesses
Cachée l’intention
Truquée la caresse
Soignée la vitrine
Passée vaseline
Bagout blagounettes
A la moulinette
Lancées tentacules
Puissance et calculs

Ici on s’enlise
La faute à la crise
Joie des actionnaires
Ça délocalise
Sans en avoir l’air
Pointer l’incapable
Pendre les coupables
Médias syndicats
Mafieux caïdat
Stimuler la peur
Echauffer la masse
Exciter la casse
Bouillent les rancœurs
Pilleurs torpilleurs
Des voix pour la haine
Prime à la gangrène

Les indemnisés
Tous idem niqués
Quoique l’on raconte
Sont laissés-pour-compte
La gueule à l’envers
Et les bras ballants
Perdent leur sale air
Et leur bel élan
Reprendre à l’enfance
Le droit à l’errance
Renier les cadences
Entrer dans la danse
De la décroissance
De la décadence
Désobéissance
Vivre à contresens

Soluto                          Le 28 novembre 2013