
Fusain, 21 cm x 21 cm, 18 janvier 2021…
Je ne fais jamais de dessin « à chaud ». Les hommages dessinés sont souvent dérisoires quand ils ne sont pas médiocres. J’en avais bien conscience hier soir mais je n’ai pas voulu réprimer mon élan. C’était une façon de regarder le bonhomme en face, de rentrer dans son regard mat, dans ses joues creusées, ses pommettes saillantes. Il était déjà probablement hanté par la maladie (j’ai fait ce fusain à partir d’une interview vidéo assez récente).
Rarement la disparition d’un acteur ne m’aura autant touché. Celui-là, en dehors des plateaux, ne jouait plus le jeu. Il paraissait vrai, et fragile, et résistant. Mieux, il ramenait dans les films qu’il choisissait cette lucidité impitoyable, ce dessillement qui prenait en compte la dureté du monde. Il la portait, ne s’en accommodait pas, le faisait savoir.
J’ai fouillé son visage, J’ai fini mon dessin, je n’ai rien appris que je ne savais déjà. Il n’y a rien à tirer de l’absurdité du sort. J’enrage contre ce néant qui nous ravale tous les uns après les autres avec indifférence, qui ne prend pas la peine de prolonger l’existence de ceux qui nous réchauffent et qui s’applique à maintenir en piste de vieux salauds qui n’ont pas de raisons d’être. J’enrage, et je suis bien seul à entendre le néant qui ricane.