Archives pour la catégorie Portraits d’artistes et d’écrivains

Ado je n’aimais pas Choron…

crayon, dessins, dessin, croquis, carnet dessin, sketch, soluto, lavis, auteur, roman

21 cm cm x 29,7 cm. Octobre 2022.

Ado je n’aimais pas Choron.
Je ne voyais pas ce qu’on lui trouvait.
Hâbleur, brutal, l’invective floue et confuse, toujours bourré quand on l’apercevait à la télé et trop centré sur sa bite qu’il dégainait, disait-il, au bout de la troisième coupe… Vraiment, quel drôle de zig.
L’engagé volontaire en Indochine, tondu, aux polos mous et au fume-Pall-Mall avait une silhouette mais je ne lui reconnaissais pas de talents. Ses fiches bricolages ne m’amusaient pas vraiment, ses rares billets non plus. Je voulais bien croire qu’il fût un animateur de bouclage enthousiasmant, un meneur d’hommes (un adjudant, quoi) déterminé, un remonte-pente galvanisant mais je m’en fichais bien. De là où j’en étais, avec mes convictions antimilitaristes, ma vue basse et les préjugés sourdement staliniens instillés par quelques professeurs confortablement blottis dans les plis d’un mammouth laineux pas encore dégraissé il m’avait tout l’air de l’oncle alcoolique et pugnace qui a le vin mauvais. A contourner. Je sautais la page.
Il n’aimait pas les adolescents et le leur faisait savoir. Son peu d’efforts pour être aimable, une vertu à mes yeux maintenant, me consternait à l’époque. Nous avions tout pour nous déplaire.

Des décennies ont passé, je n’ai plus besoin qu’on me séduise et j’entends mieux, dans la cacophonie des provocations, ce qui relève du noyau dur d’un individu.
Dans une interview on l’entend se défendre vivement de la prétendue tendresse dont veut le barbouiller l’animateur :
« Je refuse tous ces termes de tendresse et d’amitié, et d’amour, et toutes ces conneries-là qu’on veut vous accrocher comme des casseroles ! » Avant que l’autre ne reprenne son souffle il ajoute, laconique : « Je suis un vivant : j’aime ce qui est bon, boire, baiser et c’est pas mal déjà ». Sourire malicieux.
L’entretien roule.
A propos des hommes politiques il dit : « Tous les humains sont des salauds, et y en a jamais un qui dit qu’avec tous ces défauts-là, l’ambition, l’avarice, la jalousie, il faut faire une société »
L’interrogatoire se précise. On veut savoir de quel côté penche le malotru. Réponse : « La gauche est chrétienne, elle a deux mille années de crasse dans la tête. C’est la solidarité, le bonheur, des conneries comme ça qu’existent pas… » quant à « La droite c’est la morale, c’est Hara-Kiri et Choron qu’on brûle sur un tas de fagots comme Jeanne D’arc » Il conclut en ricanant : « Ta vie tu te démerdes et tu te la mènes dans n’importe quel régime, et pis c’est tout… »
Ces quelques phrases attrapées au vol, si bien incarnées, ne révèlent sûrement pas un penseur profond mais elles m’ont immédiatement réconcilié avec ce filou à qui je n’aurais pas confié ma nièce pour la soirée.
Savoir que le pire est probable, que ce n’est pas grave pour autant, que rien n’est sérieux et qu’on peut mourir par paresse sont des assertions roboratives qu’on s’emploie à refouler tant la vie, souvent, est ennuyeuse.
Rien de neuf sous le soleil, donc, mais Choron et ses beaux journaux avaient trouvé une façon inédite de le dire.

Portrait de Raimund Hoghe. Dansons !

Raimund Hoghe (1949-2021) était un danseur, un chorégraphe de danse contemporaine et un metteur en scène allemand.
Il est né avec une malformation de la colonne vertébrale.
A propos de sa bosse il a dit : « Je ne peux pas passer outre, elle fait partie de moi et devient un instrument de mon travail spectaculaire. Les spectateurs voient ce qu’ils ne veulent généralement pas voir et s’interrogent sur le droit que j’ai de me montrer ainsi, de m’exprimer et, au-delà, sur le droit que j’ai ou non de vivre. Je ne comprends pas pourquoi la différence est souvent assimilée à la laideur. En Allemagne, je n’oublie jamais que des gens comme moi ont fini en camp. Ma bosse indique la place qu’a l’homme par rapport à sa propre fin dans un éblouissement. »
Ce portrait à l’encre de Chine m’a été inspiré par « An Evening With Judy »
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Dessin à l’encre de Chine, 21 cm x 29,7 cm, août 2022

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Détail

Yoyo couleur métallo…

Tout est dit, ou presque.
On marche seul le long des rues, on prend une dose de whisky pour préparer son sermon, on a aussi le droit de se taire et de fumer tandis qu’un chien loup vous jette un regard un peu fou. De l’Amérique de cinéma. Des images efficaces.
J’ai revu une interview du gars sur la chaine d’Ardisson. S’ensuivent ces quelques dessins.

Ps : Je me souviens d’avoir croisé trois ou quatre fois, fin des années 70, un Lionel qui logeait avec ses deux frangines chez son oncle dans le quartier du Puchot à Elbeuf. Il faisait jaser. C’était un rocker de banlieue, comme il en existait pas mal à l’époque, surnommé Yoyo. Grand, gras et même un peu bouffi, il trimbalait la bibeloterie complète : des santiags affaissées, de larges bagues, un perfecto râpé, des Ray-Ban Aviator, une banane ondulante et des rouflaquettes à mi joues. Sur le parking, en bas de l’immeuble, flamboyait sa DS 21 laquée rouge repeinte au rouleau. C’était une authentique terreur qui réglait des litiges de voisinages et arbitrait des partages de cambriole. Qu’on disait. Il revenait régulièrement dans les conversations et les faits-divers.
Quand j’ai fait cette série de portraits Yoyo a ressurgi dans ma mémoire. Je me demande ce qu’il est devenu. Si quelqu’un a des nouvelles…
Je ne l’imagine pas vivant à crédit et en stéréo.

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Quelques pages Blanche entre Noël et le jour de l’an…

C’est Cioran sur les planches, en robe bleue, puissante, fragile et désirable. Aujourd’hui tout le monde l’aime ; on lui reprochera demain sa lucidité. On ne lui pardonnera pas de serrer d’aussi près la condition de l’homme, de convoquer des rires irrépressibles en rappelant implacablement sa solitude et sa finitude. Les petits rigolos de service et les woki-comiques n’ont qu’à bien (mieux) se tenir. C’est de l’humour à coups de marteau et une certaine idée de la grande santé.
Avec elle rions aussi en attendant la mort.
Bonnes fêtes à tous.

Blanche Gardin, acrylique, acrylic, dos, peinture, lunettes, dessin, soluto, lavis, auteur, roman
Blanche Gardin
Crayon, 20 cm x 15 cm, Décembre 2021

 

Blanche Gardin, dessin, soluto, lavis, auteur, roman
Crayon, 20 cm x 15 cm, Décembre 2021

Portrait d’écrivain : Alphonse Boudard…

Alphonse Boudard, encre de chine, dessin, soluto, lavis, auteur, roman
Lavis d’encre de chine et fusain, 21 cm x 29,7 cm, août 2021

Alphonse Boudard (1925-2000) est un auteur rigolo et logorrhéique.
Toute son œuvre sent le vécu, le crachat sanglant, la guerre absurde, l’abominable vie en collectivité, l’hospice, le sana, le foutre, le cachot et la démerde.
Son regard croque, sa plume gratte, pourtant rien ne frotte. Tout est fluide, troussé, captivant. Des tordus, des branques, des fourgues, des brutaux, des cavettes et des escrocs défilent sans jamais lasser. Tous ont un air de vérité incontestable qui dépasse le pittoresque et la caricature.
Parfois la nostalgie s’en mêle. Alors il devient poignant, pudique, redoutable de sobriété. On pense aux belles pages de Mourir d’enfance, quand il évoque sa mère, ou à Mariette, nouvelle qu’on peut lire dans Les enfants de cœur.
On ne trouvera pas dans ses pages de héros ni de salauds essentiels, pas d’autoflagellation ni d’excuses, mais des circonstances, une verve et le fameux désespoir poli qui fait rire.
Ses livres autobiographiques sont les plus beaux.

Portrait d’écrivain : Guillaume Apollinaire…

Alcools, ¨Poèmes à Lou, Guillaume Apollinaire, encre de chine, dessin, soluto, lavis, auteure, poesie
Encre de chine et fusain, 21 cm x 29,7 cm, août 2021

« Une arme ô ma tête inquiète
J’agite un feuillage défleuri
Pour écarter l’haleine tiède
Qu’exhalent contre mes grands cris
Vos terribles bouches muettes »

Guillaume Apollinaire – Extrait d’Alcools

C’est à cause de lui que ma fille s’appelle Lou.