Le meilleur pour vos pommes…
Et pendant qu’elle posait pour les photos, les croquis rapides, elle causait, me racontait sa vie de débouleuse.
Elle connaissait tous les bars du Havre, les changements de patrons, les profils de clientèles selon les heures de la nuit, les coins à footeux, les karaokés, les rades d’étudiants. Maintenant elle en avait sa claque des virées, des soirées caniveaux, des retours beurrées, « en taxis les bons jours, pédibus le plus souvent », des lendemains cramés jusqu’à midi. Elle était lasse des patins chargés et des tripotages, des pipes au latex dans les voitures garées en vrac sur les parkings sauvages près des boites de la rue des Magasins Généraux. « Les capotes c’est pas seulement pour les maladies, c’est aussi pour les odeurs… ». Même les grimpettes express à l’hôtel F1 de Gonfreville l’Orcher avaient perdu leur parfum d’aventure. Elles présentaient l’avantage, une fois le coup tiré, de pouvoir garder la chambre. C’était le bénéfice secondaire, la garantie de ronfler sur place, seule. « Parce que les mecs, une fois dégorgé, on les retient pas longtemps… »
Une nuit, dans le fameux hôtel, après l’avoir prise, un gars l’avait cogné sans raison. Juste un coup de poing, à froid. Il lui avait fendu l’arcade. Courte cicatrice en zigzag, le fond du sillon mauve. « Tiens, regarde-moi le boulot de l’interne de garde qui m’a salopée aux urgences ! » Elle avait eu la moitié de la tronche noire et jaune pendant quinze jours. La plainte n’avait rien donnée, pourtant le mec avait payé la piaule avec sa carte bleue, les flics auraient pu le retrouver facilement. Elle avait laissé tomber. « Un coup de poisse, on peut pas tirer des généralités ». Elle multipliait les efforts, essayait tous ceux qui ne la répugnaient pas dans l’espoir de lever le bon. « Un mec qui bosse, pas un feignant… » Elle avait tâté des sites de rencontres mais elle préférait le bruit, la musique, les ambiances moites. « Rien ne vaut le terrain, on est plus vite fixée… »
Elle voulait, comme les autres femmes, un homme à elle. Pour l’aimer, l’admirer, le montrer. Pour le taquiner aussi, le fâcher, le réformer et l’obliger à céder à ses petites envies. Dans son monde idéal elle rêvait de le nourrir, de le gâter, de lui offrir des cravates, d’acheter ses caleçons, de surveiller sa ligne et de vouloir son bien.
Sa vraie vie, sans une moitié à torturer amoureusement, tardait à décoller.
Et puis, surtout, à vingt-trois ans, elle prétendait qu’il était grand temps d’avoir un enfant.
Héros par erreur
Conflits d’atterrés
Chemin pour chômeurs
Défi défilé
Là-bas la rumeur
Délit d’asphyxiés
Chante à contrecœur
La peur contrariée
Fini les copains
Fini la concorde
Papier Salopin
La rue les absorbe
Grimaces et menaces
Vies qu’on cadenasse
Terminé monnaie
Crédits écrêtés
Indélicat boss
Patron pas très net
Mielleux jusqu’à l’os
Sourire à fossettes
Attention tensions
Piégées les promesses
Cachée l’intention
Truquée la caresse
Soignée la vitrine
Passée vaseline
Bagout blagounettes
A la moulinette
Lancées tentacules
Puissance et calculs
Ici on s’enlise
La faute à la crise
Joie des actionnaires
Ça délocalise
Sans en avoir l’air
Pointer l’incapable
Pendre les coupables
Médias syndicats
Mafieux caïdat
Stimuler la peur
Echauffer la masse
Exciter la casse
Bouillent les rancœurs
Pilleurs torpilleurs
Des voix pour la haine
Prime à la gangrène
Les indemnisés
Tous idem niqués
Quoique l’on raconte
Sont laissés-pour-compte
La gueule à l’envers
Et les bras ballants
Perdent leur sale air
Et leur bel élan
Reprendre à l’enfance
Le droit à l’errance
Renier les cadences
Entrer dans la danse
De la décroissance
De la décadence
Désobéissance
Vivre à contresens
Soluto Le 28 novembre 2013
« Ce n’est pas le métier de belle femme qui est difficile, c’est celui de femme, tout simplement » disiez-vous… La beauté de certaines femmes se dresse toujours entre elles et nous. Elle est une promesse doublée d’un mensonge. Mais sans doute adore-t-on qu’on nous mente : la cruauté des oscillations du désir est si douloureuse. Avec la belle on croit tenir quelque chose. Pourtant rien ne dure et tout s’épuise dans la possession. La splendide dont nous raffolons aujourd’hui nous agacera demain. Bientôt nous nous chipoterons.
Reflets croisés dans les miroirs brisés, on aime qu’on croie qu’on nous abuse. Le mâle est la dupe consentante de l’accouplement. La fable de la belette et du barbon n’a pas de morale. Toujours elle le ruinera, toujours elle le vaincra, toujours il croira avoir vécu.
Reste, une fois qu’on a enjambé la beauté, la femme toute nue. Dépouillée de ses appâts, malmenée par le quotidien, sous-payée par rapport à son équivalent masculin, tracassée par ses enfants, souvent dévaluée par son Jules ou son mari, quand ce n’est pas par les deux à la fois, elle n’est pas à la noce. Au fil des années sa peau se ramifie dans une nasse de rides, sa silhouette se floute dans sa chair épaissie et ses os poreux menacent de se rompre. Benoitement elle s’éloigne du champ du désir. Demain elle sortira des champs de vision. Les plus chanceuses auront tissé quelques liens d’attachement de-ci, de-là, et vieilliront à bas bruit. Les autres n’en finiront pas de mourir en perdant une à une leurs dents et leurs illusions. Toutes regarderont sécher leurs regrets sur le fil ténu de leurs vies rétrécies.
Je ne vois rien de plus difficile que sa triste condition, sinon celle de l’homme, condamné éternellement à supporter ses rebuffades, ses jérémiades, ses échauffements et ses sollicitations multiples à participer aux tâches d’un quotidien dépourvu de noblesse. Ah Rimbaud… Rimbaud… « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. − Et je l’ai trouvée amère. − Et je l’ai injuriée. »
Parfois, de toute ma condescendance, j’ai des pensées pour ceux qui se sont vautrés une vie toute entière dans la laideur, qui l’ont bue jusqu’à la lie ou qui s’y sont noyés, et qui n’ont pas trouvé les mots pour la tailler en pièces.
La femme n’existe pas (Lacan), l’homme n’existe pas plus (Bernard, un voisin), seule la pelote de barbelé qui les entortille affirme sa réalité.
Faut-il aimer souffrir pour en jouir si exquisément.
Chers amis,
J’ai le plaisir de vous inviter au vernissage de mon exposition
Qui aura lieu le 7 mai 2015 à 18h00 à la
Métro Gambetta ou Porte de Bagnolet
L’exposition se poursuivra jusqu’au 7 juillets 2015
La Galerie des Artistes est présente sur Facebook
Peintures, grands et petits formats…
Et des dessins…
Sans doute pas comme ça… Tristesse infinie…
En cliquant sur cette image, exceptionnellement agrandie, on entrera dans l’aquarelle (pour ceux, évidemment, qui ne considère pas l’aquarelle comme une technique de coloriage…)