Dans la cour à Saint Valéry en Caux…
– Pistaches salées! Amandes, noisettes, bonbons acidulés, cacahuètes, caramels…
– Hé garçon!
– Monsieur?
– Vous n’avez pas de bananes?
– Non monsieur, nous n’avons pas de bananes.
– Ben qu’est ce que vous avez alors?
– Pistaches salées, amandes, noisettes, bonbons acidulés, cacahuètes, caramels… Beuh…
J’aime pas les noisettes: on s’y casse les dents.
Vivent les bananes, parce qu’y a pas d’os dedans!
J’aime pas les sucettes, les bonbons fondants.
J’aime les bananes, parce qu’y a pas d’os dedans! Les dieux de l’ancien temps, aimant la fantaisie,
À tout autre aliment préféraient l’ambroisie.
Ah ben moi je veux bien vous croire, mais en attendant,
Vivent les bananes, parce qu’y a pas d’os dedans! Les plus grands poètes, même les décadents,
Aiment les bananes, parce qu’y a pas d’os dedans!
Tous les hommes de science, même les plus pédants,
Aiment les bananes, parce qu’y a pas d’os dedans! Même les plus inconnus parmi les hommes célèbres
Apprécient les vertus de ce fruit sans vertèbres.
Les plus grands ministres et même les présidents
Aiment les bananes, parce qu’y a pas d’os dedans! Je n’aime pas les asperges, c’est intimidant vous ne trouvez pas?
Oh que si! Et on ne sait jamais par quel bout les prendre… J’aime les bananes parce qu’elles n’ont pas le goût de la cannelle…
Et je déteste la cannelle! – Et toi Jean-Pierre, aimes-tu les bananes?
– Non!
– Et pourquoi donc?
– Eh dame, parce que le goût ne m’en plaît point.
Oh… et puis comme couleur, les épinards sont tellement plus ravissants! – Et toi Gudule tu les aimes les bananes?
– Oh oui!
– Et pourquoi?
– Ah ben, ah ben, ah ben, parce qu’y a pas d’os dedans!
Ray Ventura
LES BANANES
Yacick – Misraki, 1936
Emportez-moi
Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l’étrave, ou si l’on veut, dans l’écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.
Dans l’attelage d’un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l’haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.
Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Sur les tapis des paumes et leurs sourires,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.
Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.
Henri Michaux