
La main court toute seule sur les blocs épuisés. Une page sautée, retrouvée, un espace vide sous un dessin raté, une demi feuille cornée et hop surgissent des belles. Où sommeillaient-elles avant que je les réveille ?

Ni pin-up, ni académiques, nées de rien, d’une idée, d’un mouvement, elles s’obstinent. Je les fouille d’une mine acharnée, la langue pliée, le sourcil froncé. C’est une hanche que je creuse, un sein que je retiens, que j’alourdis à plaisir. Ici c’est une fesse que je remplis et des reins que je plie, là un sexe que je fends, un pubis que je noircis, plus haut un sale rictus que je bâillonne, que je gomme sans remord. On est son maitre.

Petits bonheurs faciles, silhouettes empâtées ou graciles, bancales ou élancées, résistantes ou fluides, elles prennent la forme de mes désirs enfouis.
Les dessiner c’est déjà les posséder un peu. Les repentirs n’en sont pas, ils montrent mes ambivalences. Vite croquées, inconséquentes, souvent réjouissantes, je les destine à l’oubli.

Comme ces belles de la vraie vie, entraperçues, mouvantes, fuyantes, vite évanouies. J’ai beau essayer de mémoriser la ligne d’une jambe lancée, le mouvement d’une chevelure, l’élan d’un port de tête conquérant, je ne retiens jamais rien. Le regard en alerte est toujours oublieux.
Mais à l’heure où elles se confondent je me venge dans le secret de mes papiers. Je les y jette sans vergogne, les déshabille sans scrupule, les taquine d’un trait caressant. Je ne leur passe plus rien.
Je les retrouve toutes pour m’en débarrasser voluptueusement.
crayonnés divers rassemblés