J’ai lu ce texte aujourd’hui 5 octobre 2022 à l’église Saint Martin de la ville d’Oissel devant son cercueil.
Michel, mon cher papa,
Tu t’es éteint à l’hôpital des Feugrais d’Elbeuf au petit matin du 29 septembre 2022, le jour même de la Saint Michel. C’est une pneumopathie qui t’a emporté. Si l’archange a pu terrasser le dragon et le précipiter dans l’abîme toi tu as été vaincu par une fausse route aux conséquences fatales. La mort est basse et médiocre.
Tu es né en 1932 dans un petit village de l’Oise appelé Formerie. Ton père ne t’a pas reconnu avant ta cinquième année et c’est ta grand-mère maternelle, accoucheuse de son métier, qui t’a élevé après t’avoir protégé de ceux qui ne voulaient pas de toi. Cette période, je le crois, a été assez heureuse. Tu évoquais avec reconnaissance et douceur cette grand-mère Hérelle pour laquelle j’ai aujourd’hui une tendre pensée.
De pensionnat en contrats d’apprentissage, dans cette période de guerre et d’après-guerre, tu as appris à avancer plus ou moins seul. Tu as aussi appris à prendre la vie comme elle venait, sans faux espoirs ni ambitions démesurées. C’était une de tes forces.
C’est au retour de tes dix-huit mois de service militaire en Allemagne que tu as rencontré Jojo et que vous vous êtes mariés. Je sais que cette union a été heureuse et qu’elle t’a comblé au-delà de toute espérance. Hélas, rapidement, tu as été rappelé sous les drapeaux à cause de la guerre d’Algérie. Cet épisode militaire, pour douloureux qu’il fût, n’a pas entamé votre élan. De cette union, en 1961, je suis né.
Je garderai de toi le souvenir d’un père doux, disponible, conciliant. Tu as toujours été, malgré quelques éclats de voix bien rares, un papa attentif et solide, sur lequel j’ai pu compter.
J’ai des milliers de souvenirs d’enfance. Comme par exemple celui des départs en vacances où, l’Amie 8 break chargée à ras bord, tu nous emmenais dès l’aube, ma mère, mes grands-parents maternels et moi-même, dans quelque coin de Bretagne ou du Cantal où vous aviez réservé pour le mois de juillet entier une « location » de vacances.
Je garde aussi dans mon cœur certains dimanches d’hiver où tu sortais tes tubes de couleur pour te lancer dans des toiles qui émerveillaient mon regard d’enfant. Il y avait chez nous beaucoup de livres de peinture et des romans de toutes sortes. Tu as semé en moi, sans que je m’en rende compte, le goût des mots et des images.
Tu avais la curiosité des autodidactes qui savent tant de choses qu’on se demande toujours quand et où ils les ont apprises. Ta mémoire était impressionnante. Tu nous bluffais souvent. Ton humeur, toujours égale, tempérait tout et tu souriais souvent sous ta moustache.
Il y a peu encore tu dessinais et tu jouais de la mandoline.
Votre convivialité, avec Jojo, vous rendait agréable à tous. Votre vie sociale était riche et animée. Je me souviens de la chaleur des soirs et des dimanches quand vous receviez des amis, de la famille. Comme on riait, comme on plaisantait, et comme on chantait.
Ma femme, Caroline, et mes enfants, Lou et Gabin, ont aussi beaucoup contribué à votre bonheur. Ils étaient votre fierté comme ils sont la mienne. Vous leur avez offert des semaines formidables à Oissel et des étés inoubliables à Monfort l’Amaury. Vous avez été des grands-parents aimants et très joyeux.
Il y a quelques années tu m’as dit avec un humour pince-sans-rire, qu’il valait mieux mourir « trop vert que trop sec ». Tu redoutais la dégradation intellectuelle. Rassure-toi : jusqu’au bout, malgré la lassitude qui te gagnait, tu as su garder un esprit vif et présent.
Tu vas rejoindre ta Jojo. Tu attendais ce moment. Tout à l’heure, au cimetière, on jouera pour vous deux un de ces airs d’accordéon qui vous enchantaient. Ce sera une valse musette comme vous les aimiez tant. Je l’ai choisie simple, entraînante et mélancolique. C’était un tel bonheur de vous voir tourbillonner souplement sur les pistes de danse…
Oui, j’ai eu un gentil papa, de gentils parents, simples et aimants, et j’espère n’avoir pas trop démérité.
Mes chers parents, vous me manquerez terriblement.
Je vous porte pour toujours.
Des pensées pour vous Soluto, pour votre père et vos proches. La valse est magnifique, le texte très doux. Quelle belle transmission familiale !
Bien a vous,
Léa
Grand merci chère Léa, au plaisir et à bientôt.