La tentation de saint Antoine
L’air était à bout de souffle et la poussière scintillante, soulevée par leurs pas, resta suspendue. Ils étaient là, délicieusement pris dans la lumière de l’été sans savoir s’ils avançaient ou reculaient. Le sens de l’éternité, par distraction, venait de les investir. Ils étaient délivrés…
Allez, on rentre. Tu sais ce qui me ferait plaisir ma jolie Marthe ? Un coup de cidre et des rillettes sur du pain bis… Je te ferai ta tartine, on regardera les photos des enfants, je te raconterai les nouvelles du quartier… Et après on fera ta toilette… Avec la grosse éponge qui mousse… Je te frotterai le dos doucement en te chantant le petit bal perdu. Faudra pas crier hein… Tu choisiras une belle robe, on enfilera les chaussettes qui serrent pas et je te mettrai ton galet dans ta poche… Comme ça tu pourras le serrer très fort pendant toute la route du retour… Et cette fois l’infirmière ne te le prendra plus. Elle a bien compris va ! On n’arrache pas des mains les cailloux blancs des vieilles femmes qui se perdent… De toute façon, te fais pas de bile… Je t’appellerai tous les deux jours et je reviendrai te chercher samedi prochain… T’en fais pas, ils sont pas près de nous avoir…