Acrylique sur panneau, 30 cm x 40 cm, avril 2017
Trois états
Détail
« Euh…
– Quoi ?
– C’était la première fois ?
– Tais-toi !
–Tu ne te sens plus seul ? »
Je m’assis sur le tatami et enfilai mes chaussettes humides, puis ma chemise. Cela m’exaspérait de parler avec Mitsu. Si j’avais pu, je serais parti tout seul respirer l’air frais sous la pluie.
« C’est la dernière fois que je couche avec elle ! Une fois ça suffit. »
Trente minutes plus tard, nous nous séparâmes à la gare de Shibuya. Elle essaya de m’égayer et de rompre le silence dans lequel je m’étais enfermé, et me suivit comme un petit chien jusque sur le quai pour attendre le train pour Yoyogi, où j’avais un changement. Mais je ne desserrai pas les lèvres. Je n’avais pourtant pas de raison particulière de haïr cette fille, une fois mon désir assouvi, mais je ne pouvais supporter de passer une seconde de plus avec cette midinette.
(…)
Alors que le train s’ébranlait lentement j’éprouvai une joie cruelle en me retournant vers la fenêtre. Mitsu, la bouche ouverte, incrédule, trottait le long du quai, une main à moitié levée en l’air. Elle courut le long du wagon jusqu’à ce qu’elle m’eût perdu de vue. Bientôt son visage encadré de deux tresses, son nez épaté se rapetissèrent et ses yeux de chien battu disparurent dans le lointain. La tête appuyée contre la fenêtre, en écoutant le bruit cadencé du train, la chanson que la danseuse fredonnait, me revint brusquement en mémoire.
La fille que j’ai abandonnée
Est-elle encore en vie ?
Que fait-elle ?
Je n’en sais rien, et pourtant…
Shûsaku Endô La fille que j’ai abandonnée (1964)
(Traduit du japonais par Minh Nguyen-Mordvinoff)
Elle était peut-être épatante avec son nez épaté…
S’il avait été moins con… Non ?
¸¸.•*¨*• ☆
C’est un très beau roman, curieusement fichu, très sensible et très pudique que j’ai lu il y a une dizaine d’année… Il m’est revenu en mémoire quand j’ai peint ce petit panneau. Je vous en recommande la lecture Célestine.
https://www.lalitteraturejaponaise.com/la-fille-que-j%E2%80%99ai-abandonnee-de-endo-shusaku/
Votre Japonaise n’a pas les yeux bridés mais ceux de son squelette en-dessous. On a envie de la croquer à cause de ses couleurs printanières et de vite la jeter parce qu’à la première bouchée, on se rend compte qu’elle est sure.
Pari réussi donc à le lecture du texte ci-dessus.
Chère Rosine, ça sushi comme ça ! Ne riez pas de Mihoko, vous allez l’effrayer. Sa peau blanche est de papier et son cœur est d’estampe. C’est dire s’il faut la mâcher avec délicatesse. Ravi de votre passage et de votre commentaire Rosine. Au plaisir…