Il fait froid à l’atelier. Le radiateur soufflant s’essouffle. Je dessine à la maison.
Je dessine en écoutant Clément Rosset. Une pleine page trouvée sur La main de Singe. Y a d’la joie, mais ne nous trompons pas : Clément rosse est.
J’avais approché ce philosophe par une émission de Raphaël Enthoven, il y a de nombreuses années, attrapée au vol sur France-Culture. Accroché, j’étais allé aux livres. L’animateur philo, qui m’assurait que j’y entrerais comme dans du beurre, vantait la simplicité du texte – du texte, pas des idées qu’il renfermait. Il m’avait un peu menti. Il fallait tout de même s’accrocher.
Pour m’aider à aborder ses ouvrages je trouvai les entretiens donnés par ce penseur du tragique pas si avare de sa parole. Régal. Joie d’une diction singulière, alternant le sérieux et l’amusé, le rond et le précipité, les mélangeant souvent. Une parole malicieuse, se nouant à des rires impromptus, doublée d’une puissance de pénétration jubilatoire.
Hier soir, donc, je dessinais en l’écoutant – pour autant qu’on puisse nommer ainsi une main qui musarde en mode automatique sur un bloc sténo. Quand j’ai regardé ce que j’avais commis c’était une femme nue. J’étais content. Pas de mon dessin, encore que. Non j’étais content. Content d’être là, au chaud, dans la lumière douce, penché sur mon bloc, la langue pliée, le sourcil perché, un thé tiède, russe, à portée de paumes, tout ravi d’avoir écouté la leçon.
Je vole au chat l’attention têtue ou le plaisir idiot de reposer sans question dans ma viande.
Certains jours, même, j’offre mes flancs, mon ventre blanc, ma gorge pour les caresses à ronrons.
Miaou !
(Sourire…)
« Ich leb und weiß nit, wie lang, ich stirb und weiß nit, wann, ich fahr und weiß nit, wohin, mich wundert, dass ich so fröhlich bin. »
Martinus von Biberach
Merci de me faire connaître ce mécréant , à en croire Luther! Et merci ausi pour le partage de Clément Rosset.
Il ne me reste plus qu’à me faire un thé …
Merci de votre commentaire chère Nathalie. Je ne connais de Martinus que son épitaphe (« On vit, on meurt et pis taf! » Gad Elmaleh) que cite souvent Clément Rosset. Je lui trouve beaucoup d’allure et de tranchant. Quant au philosophe je vous recommanderais, si vous vous y risquiez, Le réel et son double. C’est un livre, à sa façon, très convaincant… Peut-on jamais échapper au syndrome de Boubouroche ? Au plaisir de vous lire, Nathalie…
Vous savez quoi ? c’est chouette la vie ! Voilà, je voulais juste vous le dire, comme ça, pour rien.
Juste parce que c’est chouette de le ressentir à l’instant i.
(Oui parce que l’instant T, j’ai jamais bien compris.)
Belle journée cher ami.
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Moi je trouve que cette affaire-là a beaucoup de facettes. Un jour c’est chouette, comme vous dites, et d’autres fois ça a comme un petit goût dégueu qui vous empoisonne tout… Mais ce qui sûr, c’est qu’il n’est rien de meilleur que de se sentir vivre les rares bons jours. Ceux où l’on prend la main, où l’on est en mesure de s’émerveiller d’un détail… Les marchands de bonheur nous assurent qu’avec l’esprit dans le bon sens elle est toujours sensas… Moi je me souviens surtout de la belle phrase d’Alain : “Le pessimisme est d’humeur ; l’optimisme est de volonté.” et je me dis que presque toujours, chez le bipède, l’humeur prime sur la volonté, qu’on peut se bourrer le mou pendant des heures : quand ça veut pas, ça veut pas. Il faut prendre son mal en patience et attendre que ça rigole… Pas si facile de vivre heureux en attendant la mort…
C’était juste une humeur badine que vous m’aviez inspirée…
Pas tout à fait d’accord avec Alain sur ce coup-là, trop désespéré…
Mais relire Desprosges, oui, c’est mieux…
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Oh, Desproges est infiniment plus désespéré qu’Alain… Mais aussi infiniment moins philosophe…
Désespéré oui, mais avec humour, ça change tout !
Bon allez j’arrête de vous contredire, avant de vous énerver ^^ hihi !
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