
Pardonnons-leur… Quand ses vieux l’ont baptisé Fernande, en souvenir de la veuve d’un poilu de la famille qui n’avait rien demandé, ils ne pouvaient pas savoir qu’un sétois de renom, treize ans après, dans les sillons de son dernier trente-trois tours, entonnerait une rengaine entêtante qui associerait ce blaze à sa propre fonction érectile.
La gaudriole, balancée avec l’air de ne pas y toucher, redonna du lustre à la chanson de corps de garde et fut un des derniers succès du goguenard à moustache. Tout le monde connaissait le refrain du fumeur de pipes. Chaque fois qu’une Fernande croisait un mélomane elle y avait droit ! La plupart des susnommées, complaisantes, emboitait le pas à la grivoiserie, l’accompagnait même, et j’en ai connu certaines, désenchantée la veille, que la chanson finaude remit dans les rangs de la jambe en l’air.
Le problème de la nôtre, c’est qu’elle n’avait que treize piges à la sortie du gros tube, qu’on lui en donnait seize, qu’il manquait quelques pièces à son puzzle et qu’elle n’avait qu’une représentation nébuleuse de ce qui pouvait se jouer dans le pantalon des graveleux qui, par un réflexe pavlovien, attaquaient le refrain à l’évocation de son prénom… Pour cacher son malaise et sa niaiserie cette nigaude riait en découvrant ses dents. Quelques mal dégrossis y virent une invite et des pervers une aubaine pour exhiber leurs raideurs. Elle fut vite dessalée. Quelques confrontations brutales et impromptues avec des manches qui n’étaient pas de guitare l’incitèrent à la plus extrême prudence. Sa vie prit brutalement l’allure d’une course d’évitement dans une forêt de phallus. Elle s’employa à faire taire les désirs qu’elle pouvait susciter, se laissa prendre par la laideur et figea ses pensées qui toutes la faisait souffrir. Le médecin de famille, embarrassé par ce repli soudain, ses dix kilos perdus et une inexplicable aménorrhée avait dit que ça passerait avec l’âge. Il prescrivit des vitamines. Ça n’a pas passé…
Quatre décennies après Fernande est enfin orpheline. Elle n’a jamais pu quitter ses vieux parents qu’elle a soignés jusqu’au bout. Son père, diabétique, est parti par petits bouts et sa mère, à la fin, avalée par la démence, ne la reconnaissait plus que par éclipses. Dans ses rares moments de lucidité l’ancêtre distillait ses douceurs. « Mais tue moi donc, salope ! » disait-elle en essayant de la pincer.
De temps en temps son unique frangin, qui vit en famille à Marseille, lui envoie un peu de fraîche pour arrondir son « revenu de solidarité active ». D’ailleurs la dernière fois ça a chauffé! Il n’était pas content d’apprendre qu’elle était allée se faire tatouer des motifs maoris sur le bras gauche avec son mandat. Déjà qu’il la tient pour une ingrate (elle ne sait pas dire merci aux bienfaisances fraternelles…) et pour une frapadingue… S’il savait qu’en plus elle s’est payée au prix fort les deux derniers concerts de Mylène Farmer au stade de France et qu’elle lui a fait envoyer une brassée de roses dans sa loge, lui qui renâcle à changer la tondeuse, il serait furieux !
D’ailleurs, si elle veut éviter les histoires quand il remontera cet été pour aller sur la tombe des vieux, il faut qu’elle pense à planquer le cadre posé sur la télé, avec la photo dédicacée que Mylène lui a envoyée, et qu’elle remette la photo des parents aux noces d’or.
Parce que maline comme elle est, s’il l’asticote, elle sera bien fichue de manger le morceau…
Extra. Vivement Félicie.
> Comment ça Félicie?… Félicie Aussi? Non… Et Léonore? Encore? N’en jetez plus, là je ne marche plus… Mes histoires à la noix ça n’se com-man-de pas!
Merci de votre passage…
Et quand on pense à Mylène ….